L.I.V. vs PGA Tour : simple comme un coup de Phil.

S’il est une réalité que l’on ne peut masquer, c’est l’affrontement qui oppose la L.I.V. Saoudienne et le PGA Tour depuis de longs mois et qui tient le haut du pavé des sujets explosifs dans l’univers du golf. 

Il ne se passe pas une semaine sans qu’un joueur, une ancienne gloire, une instance dirigeante ou un journaliste spécialisé, n’y mette son grain de sel, rendant ainsi la situation quasiment illisible. Alors de quoi parlons-nous en fait ? Globalement, nous pouvons dire que les événements se présentent de la sorte:

Courant 2019, la création d’un nouveau circuit pro, la SUPER GOLF LEAGUE, soutenue par le gouvernement Saoudien, fut proposée aux joueurs du PGA Tour ainsi qu’à ses instances. Le circuit (qui deviendra ensuite SAOUDI GOLF LEAGUE puis L.I.V., dans sa dernière mouture) se caractérise par un champ limité à 48 joueurs (156 dans un tournoi traditionnel PGA), un format en 54 trous (72 actuellement), sans cut (cut actuel après deux tours pour éliminer 96 joueurs) et des primes de départ à 6 ou 7 chiffres pour les joueurs qui s’affronteront, par ailleurs, en équipes de 12… 

Ce format particulier fut proposé afin de satisfaire les impératifs des jeux et paris en ligne qui sont le cheval de bataille des Saoudiens. Et ce sont les revenus issus de ces paris qui permettront de payer les sommes indécentes promises aux pros. Pour mémoire, un contrat de 27 millions de dollars fut proposé à Ian Poulter, joueur européen, pour y participer tandis qu’un Bryson deChambeau se voyait offrir 135 millions de dollars pour le rejoindre.

Bien qu’il soit alléchant d’un point de vue financier – pour les joueurs classés dans les 50 meilleurs mondiaux -, le big boss du PGA Tour, Jay Monahan, refusa de cautionner ce circuit qui remettait en cause toute l’arborescence permettant de définir le classement mondial et l’attribution des titres des tournois Majeurs. Il décida donc de bannir du Tour tous les membres de la PGA qui signeraient chez L.I.V., les calendriers des deux circuits étant incompatibles. Il est à noter que l’ensemble des joueurs s’alignèrent derrière leur patron.

Les saoudiens n’en restèrent pas là. Ils contournèrent leur exclusion du classement mondial en passant un accord de sponsoring courant sur les 5 années à venir et concernant des tournois de l’ASIAN TOUR. Pourquoi ? Parce que les tournois de l’ASIAN TOUR comptent pour le classement mondial, tout simplement, et qu’ainsi les tournois labellisés L.I.V. compteraient tout autant.

Cette manœuvre poussa Monahan à durcir ses positions envers les joueurs potentiellement intéressés.

L.I.V. dévoila alors son arme secrète : Greg Norman, ancien champion Australien, qui avait déjà tenté un putsch contre le circuit PGA dans les années 90 – toujours afin de réclamer plus d’argent pour les joueurs – et qui devenait leur ambassadeur (et CEO) immaculé et invincible. 

Si vous ne connaissez pas Greg Norman, j’ai eu l’occasion de disputer un tournoi auquel il participait et j’ai toujours vu sourire lorsqu’il relevait la pièce qui lui servait de marque-balle. Jamais quand il la déposait… 

Le rôle de ce dernier était donc clair : engager le corps à corps avec les (50 meilleurs) joueurs et les convaincre de devenir riches puisque leur organisation professionnelle leur refusait cette faveur (sic).

Comme nous le verrons plus loin, outre les réactions ponctuelles (et parfois croustillantes !) des uns et des autres, la situation en est là. Mais le calendrier avance et le premier véritable tournoi de la Saoudi Golf League, le L.I.V. Golf Invitational, devrait avoir lieu du 9 au 11 juin au Centurion Club, près de Londres. A cette date, les joueurs devront avoir pris une décision et choisir leur circuit.

Les véritables questions concernant cette affaire ont été mal posées, en fait. Le fond du débat repose sur d’autres critères qu’une lutte de pouvoir qui n’a aucun sens lorsqu’on accole des mots comme Golf et Arabie Saoudite. Pour rappel, le pays ne compte que 10 parcours de golf !

Les vraies questions sont : 

– les professionnels de golf sont-ils libres de choisir où jouer, en fonction de leurs besoins et de leurs intérêts ?

– peuvent-ils passer outre le règlement intérieur du PGA Tour, société à but non-lucratif dont ils sont actionnaires ?

– Le PGA Tour, qui a œuvré à sa structuration, est-il légitimement responsable du classement mondial ?

– Le Golf, en tant que sport, a-t-il intérêt à se structurer autour de l’argent alors que différentes études prouvent que l’engouement qu’il suscite dans le public est notamment lié à son hermétisme au Star-System ? Lorsqu’on sait que 6 des 10 sportifs les plus riches du monde (carrière) sont des golfeurs, est-il judicieux de vouloir gagner plus ? 

D’un point de vue plus sportif, maintenant : 

– Lorsqu’on demande à Tiger Woods quelle est sa plus grande fierté, il répond que c’est d’avoir le record mondial du nombre de cuts passés successivement. Supprimer cette épreuve de mi-parcours (le cut est effectif au soir du deuxième tour) n’en reviendrait-il pas à diminuer drastiquement l’aspect dramatique du jeu et lui enlever tout son sel ?

– limiter le champ aux 48 joueurs les mieux classés, ne serait-ce pas amputer le jeu du talent des espoirs montants pour finir en vase clos, ce qui peut favoriser le spectacle mais lui ôte toute notion démocratique ?

A ces questions, peu de réponses sont apportées. Pourtant, l’affaire est loin d’être terminée. Notons simplement, en vrac, ses derniers développements:

– Le L.I.V. discute actuellement de droits télévisuels avec un grand partenaire média qui devra réorienter ses annonceurs entre LIV et PGA Tour, diminuant les revenus pour ce dernier.

– John Daly propose que les deux entités travaillent de concert 

– Greg Norman a fait une demande d’exemption infondée afin de pouvoir jouer The Open et continuer son travail de sape auprès des joueurs. L’exemption lui a été refusée.

– Westwood et Poulter y vont (LIV)

– Morikawa et McIlroy n’y vont pas

– Oosthuizen, 15ème mondial, est dorénavant “tête de série numéro 1” pour Londres (LIV)

– Au vu des désistements des pros face aux menaces d’exclusion du PGA Tour, la LIV a inclu des amateurs dans le champ de son premier opus.

Nous sommes loin du Combat des Titans promis et ne mesurons pas encore l’impact de cette participation sur le statut amateur.

Et Phil Mickelson, dans tout ça ? Car le dernier vainqueur de l’USPGA ne cesse ces derniers temps de partager les couvertures avec son confrère Australien, qu’en est-il ? Quelle est sa position ?

Elle est d’une simplicité affligeante, en fait. Le meilleur des gauchers a cru bon de profiter de la naissance du projet Saoudien pour régler ses comptes avec le PGA Tour. Toujours une question de “je veux plus !”. Vexé de s’être fait souffler les 8 millions de dollars du Players Impact Program par Tiger Woods, il a fait mine de passer à l’ennemi. Monahan ne s’est pas dégonflé, lui a exposé les sanctions, comme pour tous les autres, et Phil a alors fait demi-tour : il ne jouerait pas pour les saoudiens. Sauf qu’entre-temps de nombreux second couteaux du circuit avaient décidé de les suivre et avaient déjà touché des fonds. Qu’ils ont dû ensuite rembourser aux Saoudiens…

En attendant les semaines à venir, et les déchirements qu’elles ne manqueront pas d’engendrer, notons un dernier point qui n’aura peut-être pas assez été évoqué : pour accéder au L.I.V. Invitational de Londres, les spectateurs devront s’acquitter d’un droit d’entrée de 120$. Pour le British Masters de l’European Tour (validé par le PGA Tour)ce dernier n’est que de 35$.

Car ne nous trompons pas: celui qui, au final, paiera les 135 M$ à BDC (si ce dernier y adhère) ce ne sont pas les saoudiens de la LIV, ni Greg Norman, ni Phil Mickelson. 

C’est vous.

F2C.