Lorsque l’on tombe (par accident) sur des images de nos aïeux s’adonnant aux joies du golf, un certain nombre d’idées nous passent par la tête et notamment – avouons-le – celle que nos ancêtres n’étaient pas si malins que ça concernant les histoires de biomécanique, de balistique, et de physique des collisions.

Leur façon de manier le club ne s’apparente-t’elle pas davantage au ballet mondain qu’au golf tel que nous le pratiquons aujourd’hui ?
Dans la réalité, les choses ne sont cependant pas aussi simples.
Un peu de réflexion nous laisserait même penser que malgré leur chemises amidonnées, leurs vestes en tweed et leur Knickerbockers, nos arrière-grand-papys étaient au top de la technique du jeu et du swing en général. En voici les raisons.

Lorsque l’on parle du golf des années 20 (1820!), on parle d’un jeu qui se joue avec des têtes de clubs en bois pour les bois et en fer pour les fers. Les manches des cannes sont en bois (l’acier ne faisant son apparition qu’un siècle plus tard) et les balles sont majoritairement en plumes d’oie humides (30 ou 40 par balle, cousues à la main dans une poche de cuir ou de tissu). Outre le fait que ces balles soient fragiles, l’une de leurs caractéristiques est de posséder une capacité de rebond particulièrement faible. Autrement dit, la balle en plume est une balle qui rebondit à peu près autant qu’un porte-monnaie rempli de pièces de 2 centimes, et vole donc difficilement. A propos des clubs qui vont servir à la frapper, nous notons que les manches en bois de l’époque sont lourds, peu flexibles, et cassent souvent. Autant dire qu’à l’aube du XXème siècle, il faut chercher au plus profond de soi pour trouver des raisons de persévérer dans la pratique de ce sport ingrat où la balle roule plus souvent qu’elle ne vole.
Car le problème majeur auquel les joueurs d’alors sont immédiatement confrontés consiste simplement à parvenir à faire voler leur balle. De la faire monter, ou de lui faire quitter le sol, serait plus approprié…

Afin d’y arriver, le golfeur d’antan possède un véritable arsenal à sa disposition. Il sait par empirisme que plus un geste est vertical, plus la balle sera précise et haute, même si elle restera globalement courte. C’est, à l’époque, tout ce que le golfeur recherche, et tant pis si les grandes distances lui restent inaccessibles. Le joueur des années 20 organise donc un geste particulièrement vertical autour d’un corps particulièrement droit afin de décrire un cercle vertical dans l’espace avec son club (comme une pièce de monnaie sur la tranche), se souciant moins de sa liberté de rotation du corps, ce qui lui permet de jouer en veste sans que ce ne soit un réel handicap.

Afin d’assurer la régularité de ses coups, il va décider que ce cercle parfait – qui est son Graal – possède un centre et que si celui-ci reste immobile, le pourtour du cercle sera constant. La théorie de la “tête immobile” est née. Elle a près de deux siècles d’existence.

Mais, toujours au cours des années 1820, apparaît la balle en Gutta-percha puis, plus tard, celle (moins chère, avec plus de rebond, et plus constante) en celluloïd. Pour rappel, la balle en Gutta-percha coûte pratiquement aussi cher qu’un club de golf de l’époque, ce qui ne participe ni à sa démocratisation ni à celle du jeu en général.

D’un coup, cependant, avec le celluloïd, l’élévation de la balle devient beaucoup plus simple et les joueurs qui s’entêtent dans le swing vertical, se font distancer – dans le sens littéral du mot – par ceux qui se concentrent désormais sur les nouvelles capacités de la balle, ouvrant la voie à un équilibre entre la rotation du corps et l’élévation des bras pour une puissance finale nettement supérieure. Pour mieux pivoter, le joueur s’éloigne donc un peu de sa balle et se penche davantage.
En bref, Papy et Mamy se mettent à tourner et gagnent une distance folle.

Bien sûr, cette nouvelle puissance demande à être débroussaillée afin de contrôler des éléments maintenant déterminants au golf : les effets de balle et le taux de backspin.
Cette fois, c’est le manche en acier qui vient à la rescousse des joueurs naufragés. Plus léger, plus vif, plus solide et plus régulier, il permet aux golfeurs de générer bien plus de vitesse et fait exploser les tableaux de distances admis à l’époque.
Naissent alors tous les techniciens du swing que nous avons connus ou dont nous avons entendu parler et qui ont tenté de théoriser les nouveaux paramètres du jeu.
Chronologiquement, ils apparaissent sous les noms de : Percy Boomer (théorie du plan incliné), Tommy Armour, Henry Cotton, Sam Snead (relâchement), et Ben Hogan (fondamentaux du swing moderne), pour les pionniers (1930>1950).
Puis de Jack Nicklaus, Arnold Palmer, Gary Player, Butch Harmon et Dave Pelz pour les innovateurs (1950>1970).
Et enfin de Lee Trevino, Seve Ballesteros, Nick Faldo, Greg Norman, et Tiger Woods pour les modernes (1970>1985). D’autres grands noms ont également influencé le jeu de façon significative, à savoir Ernest Jones, Jim Flick (rotation), John Jacobs, Bob Toski, ou encore Tom Watson (petit jeu). Cette liste n’est évidemment pas exhaustive.

C’est en 1985 que pour nous, en Europe, se distingue un nouveau pédagogue qui illustre parfaitement comment la capacité qu’à la balle moderne à s’élever conditionne à 100% le swing du joueur.
Assisté du numéro 1 européen, Nick Faldo – qui deviendra grâce à lui numéro 1 mondial – David Leadbetter propose une coordination idéale entre les bras et le corps, dictée par une rotation du buste et des hanches. D’une efficacité redoutable, cette méthode prend tout son sens en abordant les années 2000, date de création de la balle Titleist ProV1. Avec elle démarre une nouvelle ère dans la maîtrise de la densité des diverses couches qui composent une balle et son élévation devient pratiquement programmable.
Pour bien comprendre le diktat imposé par la balle – et par les clubs par l’entremise des shafts en acier – sur l’évolution du swing, observons que si elle avait été initiée 20 ans plus tôt, la méthode Leadbetter, qui a bouleversée la planète Golf en son temps, aurait fait un flop retentissant car appliquée à une balle moins volante.

Parmi les autres grands changements de swing qui nous sont parvenus de ces temps antédiluviens (sic) et qui ont été imposés par l’évolution de la balle et du shaft, nous noterons particulièrement l’extension du bras gauche, ou la position à l’adresse, beaucoup plus inclinée (afin de sortir du swing vertical), ces deux éléments étant directement liés.

Le swing moderne n’est donc pas issu des brillants cerveaux des théoriciens cités plus haut, mais n’est qu’une adaptation gestuelle aux évolutions mécaniques de la balle et de l’ensemble du matériel de jeu. Rien d’autre.
Et le swing de nos aïeux était la réponse la plus pertinente aux caractéristiques de la balle et du club de l’époque.
Les implications de cet état de fait permettent de comprendre l’importance des modifications apportées, de temps à autres, aux règles de golf au sujet du matériel de jeu et plus spécifiquement à la balle.
Elles nous permettent également de comprendre la foire d’empoigne que ces modifications entraînent systématiquement dans le monde des théoriciens du jeu.
Car, vous l’avez compris, à chaque changement apporté à la balle, ou au club, c’est le swing de demain que nous remodelons.

FdeC./ Avisgolf.

Comments are closed.